Les silicones en cosmétique du visage

Il y a environ 3 ans, face aux premiers signes de l’âge, cette expression pudique qui cache les outrages que les ans et la consommation excessive d’alcool ont fait subir à mon frais minois, j’ai commencé à me soucier de la peau de mon visage. Je me suis donc documentée et j’ai découvert l’existence du millefeuille® et des crèmes hydratantes, lotions, et sérums qui vont avec. Lisant sur certaines étiquettes que les silicones représentaient le Saint Graal en terme d’hydratation et sur certains blogs que c’était l’incarnation de Satan sur terre au rayon cosmétiques, je me suis trouvée un peu bête face à ces contradictions.
Voyons à travers une petite revue biblio ce qu’il en est réellement…

cosmétiques silicones

Il n’est pas vraiment simple de reconnaître au premier abord les cosmétiques contenant des silicones. Il faudra se pencher sur la composition pour faire son choix le cas échéant.

L’hydratation de la peau

Pour comprendre si les silicones sont les instruments du Malin ou la manne céleste, il faut d’abord se pencher sur le fonctionnement d’une crème hydratante. En très gros, une crème hydratante contient un humectant, qui attire l’eau dans l’épiderme, un occlusif, qui va réduire l’évaporation naturelle, et un émollient, pour améliorer la diffusion du produit et remplir les fissures entre les zones de peau qui desquament. [1, 2]

Gros coup de moule pour l’industrie cosmétique, le silicone appelé dimethicone (ou PDMS, ou polydiméthylsiloxane) est un émollient, un occlusif et un émulsifiant – donc un peu l’ingrédient à tout faire dans une composition. [1, 3]

Bon, pour la petite histoire, et parce qu’il ne faut jamais se priver d’une bonne raison de pouffer, les dérivés des silicones ont été introduits dans les cosmétiques vers le milieu des années 70, en remplacement des hydrocarbures, en raison de l’inquiétude du public vis-à-vis desdits hydrocarbures et de l’attrait des compositions « oil-free ». [2]
Moins drôle, du coup pendant 30 ans on brevette joyeusement des compositions miracles bourrées de dérivés du silicone et (contradictoirement) non occlusives [4], et en 2001 43 % de tous les nouveaux produits cosmétiques introduits sur le marché américain contiennent des dérivés de silicones. [5]

Du coup, faut-il vraiment éviter les cosmétiques contenant des silicones ?

(Surtout que pour le coup ça va pas être simple).
Il y a encore peu, le marketing nous le présentait comme la Fontaine de Jouvence que toutes les peaux appellent à grands cris. Aujourd’hui, on en parle alternativement comme l’équivalent cosmétique des 7 plaies d’Egypte à grand renfort de mentions « Sans silicones », ou, à l’instar de L’Oréal, Maybelline et leurs amis, on n’en parle plus du tout des fois que ça mettrait la puce à l’oreille des gens.

fond de teint silicones

Quand j’ai acheté ce fond de teint en 2011, l’arrière du carton mentionnait que les siloxanes permettaient d’amener l’hydratation au cœur de l’épiderme. Un grand bravo pour la mention « healthy » – qui ne concerne pas le fond de teint mais l’effet obtenu.

Les publications dans les journaux scientifiques spécialisés sur la question n’ont pas l’air au premier abord de sonner le glas l’utilisation des silicones en cosmétique, vu qu’on nous affirme [6, 7] que tous les blabla-methicones sont carrément safe, rien à craindre ma p’tite dame, puisqu’on vous dit qu’on a tout bien testé.
Quand on creuse un peu, on rigole moins quand on lit Dr. Darbre [8] qui nous dit que l’octamethylcyclotetrasiloxane, D4 de son p’tit nom, qu’on retrouve sous le nom de cyclomethicone sur nos étiquettes de cosmétiques, est autorisé dans les cosmétiques jusqu’à 40-60% en masse. Or la cyclomethicone, sous des dehors bénins, est toxique [8, 9] et va interférer avec le système reproductif de la femme (dans le sens : modifier les teneurs en œstrogènes, pas dans le sens j’ai pas besoin de me racheter de dildo, bien sûr).
Alors OK, il n’y a que 1,1 % de la dose administrée qui pénètre dans la peau. Ou 0,05 % selon une autre équipe  [10], mais ils sont pas bien sûr pasqu’ils ont essayé que sous les dessous de bras (véridique) et suivant où on l’applique c’est pas la même chose. Quoiqu’il en soit, quand il arrive à pénétrer l’épiderme, par les dessous de bras ou par tout autre endroit, la cyclomethicone se stocke dans les tissus adipeux en attendant son heure car elle est drôlement fourbe.

Si on en croit toujours le Dr. Darbre [8], une femme qui est prof d’Oncologie dans la perfide Albion et qui a sûrement autre chose à faire que d’effrayer la ménagère de moins de 50 ans comme ça sans raison, juste pour se taper une bonne tranche de rigolade, les cyclosiloxanes sont aussi connus pour être vaguement mutagènes.

Tout ça c’est bien gentil, mais du coup, qu’est ce qui est vrai ?

Ca pénètre dans l’épiderme ou pas ? C’est dangereux ou pas ?

Eh bien, on sait pas.

Entendons-nous bien, tous ces gens qui ont écrit sur le sujet on fait des expériences, et ils les relatent, voilà tout. Je ne voudrais surtout pas insinuer que les messieurs-dames qui ont écrit que c’était tout safe mentent. Dans leurs conditions expérimentales, avec leurs hypothèses et leurs analyses, ils déclarent en leur âme et conscience que pour eux il n’y a aucun danger à employer les silicones en cosmétiques.
Il y a d’autres messieurs-dames, et j’abonde en leur sens, qui disent qu’on ne peut pas utiliser un produit sous prétexte qu’on n’a pas prouvé qu’il était dangereux, mais uniquement si on a prouvé qu’il n’était pas dangereux (désolée pour la phrase indigeste, ça s’appelle le principe de précaution et ça s’énonce assez mal).

Du coup j’aurais tendance à vous dire d’éviter autant que possible d’autant que :
1) Si le silicone en question ne pénètre pas dans la peau, en s’en tartinant joyeusement (car vous l’aurez noté, comme les fruits et les salades, la crème de beauté fait sourire), on s’étire l’équivalent d’un film imperméable sur la figure.
Ca retient l’eau, d’accord, mais aussi les toxines et autres saletés, et ça perturbe les processus naturels d’élimination. Donc bof.

2) Ils sont astringents. [1] Du coup pour l’hydratation sur le long terme, ça paraît bien compromis.

maquillage sans silicones

Il existe aujourd’hui diverses alternatives pour le teint qui ne contiennent pas de silicones. Eau de teint, minéral, BB cream ou poudre libre, le choix reste vaste.

Pour résumer

Au final, si les crèmes et autres produits qui intègrent du silicone dans leur composition se vendent bien, c’est parce qu’ils produisent un effet direct, une impression peau douce et ride lissée – c’est l’effet émollient, [10] et oui, c’est assez bluffant.
Par contre, le silicone, s’il ne rentre pas dans l’épiderme, ne va donc pas nourrir ou hydrater la peau sur le long terme, et s’il y rentre partiellement, serait potentiellement toxique.
Il a un effet filmogène qui va réduire les pertes en eau, produisant de fait un effet hydratant, mais aussi occlusif, qui va concentrer les impuretés et toxines à la surface de la peau, avec des résultats pas très hygiénique et parfois hasardeux (points noirs et autres micro-infections).

C’est bien sympa tout ça, mais comment je les reconnaît, les silicones ?

Tout simplement en lisant la compo au dos du paquet, ou sous la boîte, ou sous l’étiquette détachable.
On trouvera dans les silicones la cyclomethicone, qui est un nom générique pour les dimethyl–polysiloxanes cyliques –  c’est à dire le cyclotetrasiloxane, le cyclotrisiloxane, le cyclopentasiloxane, le cyclohexasiloxane et le cycloheptasiloxane, mais aussi la méthicone et sa copine la diméthicone et tout ses dérivés.
Si vous avez la flemme (et on vous comprend) de tout apprendre par cœur, il suffit de retenir que tout ce qui finit par –methicone et –siloxane, c’est pas bon.
Si vous êtes dyslexique et qu’il n’y a vraiment pas moyen, dans l’ensemble, tous les trucs qui promettent un effet instantané en contiennent. Sad but true comme dirait l’autre…

J’essaierai de continuer à vous causer hydratation la semaine prochaine en décortiquant minutieusement l’aloe vera et ses effets.

BIBLIOGRAPHIE (à lire si vous aimez vous documenter par vous-même, surtout le [1] qui est très abordable et instructif)
[1] Kraft J.N. and Lynde C.W., « Moisturizers: What They Are and a Practical Approach to Product Selection », Skin Therapy Lett., 10 [5] (2005) 1-12.
[2] DiSapio A.J., « Silicones as Alternatives to Hydrocarbons in Personal Care Formulations », Dow Corning, 1993.
[3] Babenko T., « Polysaccharide and dimethicone copolyol as emulsifier for cosmetic compositions », US6277893, (2001).
[4] Gomes A.L., « Skin-balance moisturizing cream », EP1214050 (2002).
[5] Blakely J.M., « Handbook of Cosmetic Science and Technology », (2001) Marcel Dekker Inc., New York.
[6] Nair B., « Final report on the safety assessment of stearoxy dimethicone, dimethicone, methicone, amino bispropyl dimethicone, aminopropyl dimethicone, amodimethicone, amodimethicone hydroxystearate, behenoxy dimethicone, C24-28 alkyl methicone, C30-45 alkyl methicone, C30-45 alkyl dimethicone, cetearyl methicone, cetyl dimethicone, dimethoxysilyl ethylenediaminopropyl dimethicone, hexyl methicone, hydroxypropyldimethicone, stearamidopropyl dimethicone, stearyl dimethicone, stearyl methicone, and vinyldimethicone. », Int J Toxicol. (2003) 22 Suppl 2:11-35.
[7] Johnson Jr W., Bergfeld W.F., Belsito D.V., Hill R.A., Klaassen C.D., Liebler C.L., Marks Jr J.G., Shank R.C., Slaga T.J., Snyder P.W., Andersen F.A., « Safety Assessment of Cyclomethicone, Cyclotetrasiloxane, Cyclopentasiloxane, Cyclohexasiloxane, and Cycloheptasiloxane », Int J Toxicol. 30 [6] (2011) 149S-227S.

[8] Darbre P.D., Best Pract. & Res. Clin. Endocrinology & Metabolism, 20 [1] (2006) 121–143.
[9] Lieberman M.W., Lykissa E.D., Barrios R., Ou C.N., Kala G., Kala S.V., « Cyclosiloxanes Produce Fatal Liver and Lung Damage in Mice » Env. Health Persp., 107 [2] (1999) 161-165.
[10] Reddy M.B., Looney R.J., Utell M.J., Plotzke K.P., AndersenM.E., « Modeling of Human Dermal Absorption of Octamethylcyclotetrasiloxane (D4) and Decamethylcyclopentasiloxane (D5) », Toxicol. Sci. 99 [2] (2007) 422–431.
[11] Lafforgue C., Thiroux J., « Produits dermocosmétiques: Mode d’emploi », (2008), Editions Arnette.
[12] Nacht S., Close J.-A., Yeung D., Gans E.-H., « Skin friction coefficient: changes induced by skin hydration and emollient application and correlation with perceived skin feel », J. Soc. Cosmet. Chem., 32 (1981) 55-65.

10 Comments

  1. Bon… Tri vertical de produits dans la salle de bain .. Et comme j’avoue, j’ai eu la flemme de regarder les ingrédients sur les tubes car c’est ILLISIBLE. Je suis sûre que c’est fait exprès le tout majuscule et l’interlignage ridiculement faible (quand le texte n’est pas sur les emballages cartons jetés depuis belle lurette). J’ai trouvé les compos sur le net et hop une petite recherche de methicone et siloxane dans le texte. Merci Rachel!

    • Mais de rien !
      C’est très souvent sur les emballages cartons, oui, et parfois c’est impossible à trouver sur le net. Ou même sur le paquet – genre les ombres à paupières Yves Rocher, je n’ai trouvé la compo nulle part. Du coup, j’ai pas acheté.

  2. Super ton article!
    Le fond de teint conventionnel était encore un des seuls produit conventionnel que j’utilisais. Parfois fond de teint bio, parfois une BB crème Dior qui fait une superbe peau avec la quantité de silicone qu’elle contient.
    Puis la BB crème Dior, faisait une si belle peau ( parfois les fonds de teints bio sont compliqués à l’application et la tenue n’est pas toujours au rendez-vous ) que j’ai recommencé à l’utiliser tous les jours, alors que le reste de ma routine était parfaitement exempt de tout produit toxique.
    Ça n’a pas raté, au bout de un mois d’utilisation quotidienne, j’ai commencé à avoir pas mal de bouton ce qui me forçait à mettre encore plus de fond de teint. Alors qu’à part quelques points noirs et imperfection de teint je n’ai pas de problème de boutons.
    En reprenant un fond de teint fait maison, et donc avec que des produits nickel pour la peau, les choses sont rentrées dans l’ordre en une semaine.

    Cet article me fait vraiment penser à cette mésaventure, et me confirme l’effet pervers des silicones contenus dans les fond de teint et BB crème conventionnels qui soit disant passant me donnait l’impression d’avoir une belle peau sur le moment.

    En lisant cet article, ça me confirme que

    • Merci !!

      C’est vrai que le silicone fait une peau de fou. Un des derniers trucs que j’ai testé qui en contenait, c’était la poudre Accord Parfait de l’Oréal™, et j’avais une peau zéro défaut, au moins au début. Bon, après j’ai eu une floraison de microkystes, et c’était moins chouette.

      Tu fais du fond de teint maison ? Personnellement je suis passée au minéral suite à cette mésaventure, et je ne m’en lasse pas au bout de 4 ans.

      • J’essaie de les faire maison. J’ai tenté le fond de teint minéral maison et la BB crème.
        Mais je n’ai pas encore trouvé de recette idéal : le fond de teint minéral manque de couvrance et la BB crème de tenue. Mais en associant les deux je m’en sors.
        Je ne désespère pas de trouver LA bonne formulation.

        Puis en abandonnant les fonds de teint conventionnel, la couvrance est devenue moins importante, la peau est plus belle elle manque juste d’un peu d’uniformité par moment.

        Tu utilises quoi comme fond de teint minéral ? Ça m’intéresse ! 😉

        • C’est vrai qu’à part quelques petites rougeurs et l’occasionnel petit bouton, je n’ai plus grand chose à couvrir non plus.

          J’utilise le Lily Lolo personnellement. La compo est clean, il tient bien, il y a beaucoup de teintes donc ça s’adpate parfaitement à ma carnation un peu palotte sans la plomber pour autant. Il ne désseche pas spécialement, ne file pas dans les ridules et il a un rendu très luminueux qui fait vraiment un chouette teint tout en étant pas très visible. Bref, rien à voir avec Bare Minerals que j’avais détesté.

          • Ok, j’ai le même problème que toi, la peau un peu palote et donc des difficultés à trouver un fond de teint qui ne fasse pas trop foncé sur ma peau.
            A l’occasion j’essaierai les Lily Lolo du coup!

          • N’hésite pas, je ne pousse généralement pas à la consommation mais ils sont vraiment chouettes. En plus tu peux commander sous forme échantillon au cas où tu as un doute.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *